Du romantisme révolutionnaire?

15 mai 2012

Du romantisme révolutionnaire?

Les Indignés devant la Tour de la Bourse à Montréal, Place Victoria.
Les Indignés devant la Tour de la Bourse à Montréal, Place Victoria.

Par Thélyson Orélien | LaPresse.ca

Toutefois, en finalité, la prospective sociale doit aller beaucoup plus loin que l’on croyait. Car les hommes à longues cravates ne souffrent pas seulement de la manière que se fixe le temps, ses fluctuations, ses fixations, ses variabilités, ses instabilités, ou de la myopie, ils souffrent aussi d’une crise du culte de l’élite. Aussi si nous entendons saisir le contrôle du changement, nous devons révolutionner la façon de formuler nos objectifs sociaux.

L’afflux de la nouveauté dépouille de leur valeur les principales institutions – que ça soit l’État, l’Université, l’Entreprise, l’Armée, l’Église. L’accélération entraîne un renouvellement plus rapide des buts, elle rend les institutions plus éphémères. De leur côté, la diversité ou la fragmentation conduisent à leur foisonnement incessant. Pris au milieu de ces convulsions et de la multiplicité des choix, nous titubons de crise en crise, il nous arrive même d’être fatigués de l’avenir, dans la poursuite de fins désordonnées, contradictoires ou incompatibles.

Cela ressort avec évidence frappante des tentatives pathétiques pour imposer le changement à nos Cités. En l’espace de quelques mois nous avons été des témoins, parfois des victimes d’une succession cauchemardesque d’évènements ici et ailleurs, frôlant la catastrophe, passant du rire aux larmes, de l’émotion à la colère, de la révolte à l’incompréhension voire la peur. Crises économiques, catastrophes naturelles, crises politiques, comédies démocratiques, crises des indignés, que ça soit Printemps Arables dans le monde arable ou Printemps Érables dans le monde québécois – manifestations et longues périodes de grève d’étudiants et de professeurs contre une hausse des frais de scolarité,  ponctuées de drames parfois insoutenables. La liste est loin d’être complète.

Dans les institutions étatiques, qui sont toutes par milliers à travers les nations avec des technologies avancées, les politiciens foncent l’extincteur à la main d’un foyer à l’autre, sans le moindre semblant d’un plan ou d’une ligne politique cohérente pour l’avenir des villes. Dans une réflexion entre moi et un jeune poète haïtien, futur sociologue de Sorbonne, il me sort cette conclusion: «Mon cher… Nous faisons face à un monde où la politique ne peut plus rien faire». Mais cela ne veut pas dire que personne ne s’occupe de rien, de la planification. Bien au contraire, dans ce bouillonnement social, les plans, sous-plans et contre-plans nous inondent de toutes parts.

En l’espace de quelques mois, un mouvement de résistance sans leader avec des gens de sexes et de tendances politiques différentes a été mis sur pied dans les grandes villes du monde. La seule chose qu’ils ont en commun c’est qu’ils se réclament d’un 99% qui ne tolère plus la cupidité et la corruption du 1%. Pour beaucoup, il s’agirait d’un nouveau mai 68, ou encore d’une révolution à l’image de celles qui se sont produites dans les pays arabes. Le tout avec de la musique, en train de s’embrasser en organisant des campings.

Du romantisme révolutionnaire?

Certes, il y a des abus de part et d’autre, seulement comment tous ces indignés comptent-ils faire sans le FMI, sans les organisations internationales qu’ils prétendent échouer, sans les grands patrons, pour s’en sortir de la crise? Je n’en veux pas aux riches pour leur richesse, ce n’est pas ce qui m’indigne le plus. Mon indignation est beaucoup plus humaine, beaucoup plus empathique, plus altruiste. Mon indignation, mon ras-le-bol, c’est cette indifférence meurtrière, les gaspillages du Nord face aux pénuries du Sud. Ça m’énerve! Le problème, ce ne sont pas les riches, le problème c’est le gaspillage. On oublie les vrais pauvres de cette planète. J’ai honte de le vivre, de le dire. Car notre Monde est un ballon qui ne tourne pas rond.

Nous connaissons des pays avec les vrais déshérités du sort, où l’indignation est non médiatique. Et contraire à ces pays qu’on n’arrête jamais d’appauvrir, de sucer jusqu’à la moelle tout au long de l’histoire, nous nous sommes retrouvés dans des lieux-dits où les prévisions sont énormes, les programmes débordent de toutes parts: prévisions de nouvelles autoroutes, de nouvelles routes, de nouvelles centrales, de nouvelles écoles, de nouveaux hôpitaux, de nouveaux logements, de nouveaux centres psychiatriques, de programmes d’assistance sociale qui s’accumulent, les bien-être sociaux qui se renforcent les uns les autres. Sans prétendre que tous sont sensés aller bien.

Si ces prévisions et programmes sont tous rattachés de manière globale à une meilleure image de notre ami, L’Être Humain, pourquoi se plaint-il autant, pourquoi est-il à tel point indigné ?

Thélyson Orélien

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