Lettre d’un migrant du « chemin Roxham » au Premier ministre du Québec

Article : Lettre d’un migrant du « chemin Roxham » au Premier ministre du Québec
Crédit: UN Biodiversity (CC)
7 février 2023

Lettre d’un migrant du « chemin Roxham » au Premier ministre du Québec

Cher Premier Ministre du Québec,

Je m’adresse à vous en tant que migrant haïtien ayant traversé la frontière canadienne par le chemin Roxham. Je vous écris pour vous faire part de mon histoire et de mes espoirs pour l’avenir. Je suis originaire d’Haïti, où la situation politique et économique est instable depuis de nombreuses années. J’ai été témoin de violences et de persécutions, ainsi que de l’injustice qui règne dans mon pays d’origine. C’est dans ce contexte que j’ai pris la décision de quitter Haïti pour trouver refuge et des opportunités ailleurs.

J’ai tenté de trouver une voie légale pour obtenir une protection, mais malheureusement, je n’ai pas réussi. J’ai donc dû prendre la décision difficile de traverser illégalement la frontière canadienne par le chemin Roxham. Mon voyage jusqu’au Québec a été difficile, mais je suis reconnaissant de l’accueil chaleureux que j’ai reçu de la part de vos citoyens et de vos services de protection de la frontière. Maintenant que je suis au Québec, j’ai besoin de votre aide pour obtenir la protection et les opportunités dont j’ai besoin pour construire un avenir meilleur pour moi et ma famille.

Je suis déterminé à faire de mon mieux pour contribuer à votre société et à devenir un citoyen productif du Québec. Absolument, les réfugiés peuvent devenir citoyens canadiens et québécois et contribuer à la société en apportant leur culture, leurs compétences et leur expérience unique. Ils peuvent devenir des membres actifs de la communauté, travailler, étudier, payer des taxes et participer à la vie sociale et politique du Québec et du Canada. Ils peuvent également ajouter à la richesse culturelle et linguistique du Québec et du Canada, et donner un nouveau dynamisme à la société. En fin de compte, les réfugiés peuvent devenir des citoyens fiers et loyaux qui défendent les valeurs et les principes du Québec et du Canada.

Tout d’abord, je voudrais souligner que la migration est un droit humain fondamental, garanti par la Convention de 1951 sur le statut des réfugiés et son Protocole de 1967. Les migrants, y compris ceux qui traversent illégalement la frontière, ont le droit d’être protégés et de faire une demande d’asile. De plus, je tiens à souligner que les migrants apportent une riche contribution culturelle et économique à votre société. Nous sommes des travailleurs déterminés, des citoyens dévoués et des membres actifs de notre communauté. En nous offrant des opportunités pour apprendre et travailler, vous aiderez non seulement les migrants comme moi, mais vous renforcerez également votre société en général.

Je voudrais souligner que les migrants qui traversent illégalement la frontière sont souvent des personnes vulnérables en quête de protection et d’espoir. Nous fuyons la violence, la persécution et les conditions économiques difficiles, et nous sommes prêts à faire face à des défis importants pour trouver un avenir meilleur. En tant que leader politique, vous avez un rôle important à jouer pour protéger les droits humains et aider les personnes vulnérables. Je vous demande instamment de mettre en place un processus d’asile équitable pour des migrants comme moi.

Je voudrais souligner l’importance de la coopération internationale en matière de migration. La migration est un phénomène global qui nécessite une approche internationale pour garantir que les droits humains soient protégés et que les solutions durables soient trouvées. En travaillant avec d’autres pays, vous pouvez aider à faire face aux défis liés à la migration tout en respectant les droits humains et les obligations internationales.

Je vous demande instamment de prendre en compte les considérations humanitaires lors de la mise en œuvre de votre politique migratoire, et de travailler avec d’autres pays pour trouver des solutions durables pour les migrants. Je suis convaincu que cela renforcera votre société et aidera les migrants à construire un avenir meilleur.

Cher Premier ministre et citoyens du Québec,

Nous sommes des migrants haïtiens et d’autres provenant de pays d’Afrique et ailleurs qui ont fait le choix difficile de quitter nos foyers pour nous aventurer sur un long et périlleux voyage en direction de votre pays. Notre voyage nous a conduits à travers de nombreux pays en Amérique du Sud, tels que le Brésil, le Venezuela, le Pérou, l’Equateur et d’autres pays, avant de finalement arriver à la frontière du Québec.

Notre parcours n’a pas été sans souffrance et sans sacrifice. Nous avons dû faire face à de nombreux défis, tels que les conditions météorologiques extrêmes, les maladies, la faim et la soif. Marcher de très longs kilomètres à pied. Nous avons également été confrontés à des dangers sur la route, tels que les trafiquants de drogues et de personnes, la criminalité et les attaques violentes. La forêt amazonienne, en particulier, a été un endroit dangereux pour nous, où nombreux parmi nous ont perdu la vie ou ont été gravement blessés.

Nous sommes conscients des difficultés que notre voyage peut causer à votre pays et à votre peuple. Cependant, nous espérons que vous comprendrez que nous ne prenons pas cette décision à la légère. Nous sommes contraints de quitter nos foyers en raison de la pauvreté, de la violence, de la persécution politique et d’autres conditions difficiles dans nos pays d’origine. Nous cherchons une vie meilleure pour nos familles et pour nous-mêmes, et nous croyons que le Québec est un endroit où nous pourrons trouver refuge et construire une vie meilleure.

Nous vous implorons de voir notre situation avec compassion et d’envisager de tenir les mesures pour aider les migrants tels que nous à faire face à ces défis sans mettre nos vies en danger.

Cher Premier Ministre,

Je voudrais aussi souligner l’importance de reconnaître que tous les habitants d’Amérique, y compris les Canadiens et les Québécois, sont issus d’une immigration légale ou illégale à un moment donné de leur histoire.

L’Amérique a été construite par des générations de migrants venus de différents pays et cultures. Certains sont arrivés sur ce continent en tant qu’esclaves, d’autres en tant que colons, et d’autres encore en tant que réfugiés politiques ou économiques. Quelle que soit la raison de leur migration, ils ont tous contribué à la construction de cette nation et à la richesse de son histoire et de sa culture.

Aujourd’hui, les Canadiens et les Québécois sont fiers de leur histoire et de leur culture, mais il est important de se rappeler que leurs ancêtres étaient eux-mêmes des migrants, venus de différents pays pour construire une vie meilleure pour eux et leurs familles. Cette histoire d’immigration partagée devrait nous rappeler l’importance de la tolérance, de la compassion et de l’inclusion envers les migrants d’aujourd’hui.

En outre, nous ne pouvons pas ignorer que les politiques migratoires ont souvent été utilisées pour discriminer certains groupes de migrants et les priver de leurs droits et libertés fondamentaux. Cela est particulièrement vrai pour les migrants de couleur comme moi, qui ont souvent été confrontés à des barrières et des obstacles systémiques pour construire une vie meilleure pour eux et leurs familles.

Je vous demande à reconnaître que tous les habitants d’Amérique sont issus d’une immigration légale ou illégale à un moment donné de leur histoire. Cette reconnaissance devrait nous inciter à adopter une politique migratoire juste et inclusive qui respecte les droits et libertés fondamentaux de tous les migrants, quelle que soit leur nationalité, leur couleur de peau ou leur raison de migration.

Depuis de nombreuses années, des réfugiés provenant de différents pays et cultures ont trouvé refuge au Canada, y compris au Québec. Malgré les défis auxquels ils ont été confrontés en arrivant dans un nouveau pays, de nombreux anciens réfugiés ont réussi à s’intégrer à la société canadienne et à apporter une contribution significative à la société.

Ces anciens réfugiés sont des entrepreneurs, des travailleurs, des artistes, des scientifiques et des citoyens actifs qui font une différence positive dans leur communauté. Ils apportent avec eux une richesse de perspectives, de talents et de compétences qui enrichissent la société canadienne et font du pays un endroit plus fort, plus diversifié et plus inclusif.

En outre, ces anciens réfugiés sont souvent des membres passionnés de leur communauté et des défenseurs de la justice sociale. Ils ont vécu des expériences uniques qui les ont sensibilisés aux enjeux mondiaux et les ont encouragés à s’engager dans leur nouvelle communauté pour faire une différence positive.

Je vous invite à reconnaître l’apport des anciens réfugiés à la réussite du Québec et du Canada d’aujourd’hui. En mettre en avant quelques anciens réfugiés, dont des Haïtiens, qui ont fait une différence significative au Québec ou au Canada. Par exemple :

  • Michael Lee-Chin, : milliardaire jamaïcain-canadien, philanthropiste, fondateur de « Portland Holdings », créateur du « Fonds Michael Lee-Chin pour la diversité entrepreneuriale ».
  • Fabienne Colas : actrice, réalisatrice, productrice, activiste culturelle haïtienne-canadienne, fondatrice de la « Fondation Fabienne Colas ».
  • Shahrzad Rafati : entrepreneur iranienne-canadienne, fondatrice de « BroadbandTV ».
  • Dany Laferrière, de l’Académie française : écrivain haïtien-canadien, auteur de plusieurs livres.
  • Ahmed Hussen : entrepreneur somalien-canadien, avocat, militant pour les droits de la communauté immigrante, député fédéral, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté du Canada.
  • Nancy Roc : journaliste canadienne d’origine haïtienne, militante des droits de l’homme et de l’environnement.
  • Reza Moridi : entrepreneur iranien-canadien, ingénieur en physique, député, ministre de la Recherche, de l’Innovation et des Sciences de l’Ontario.
  • Wadih Fares : avocat syrien-canadien, militant communautaire et des droits de l’homme, président de l’Association canadienne-libanaise pour l’éducation et la culture.
  • Wajdi Mouawad : écrivain irakien-canadien, un des plus importants auteurs francophones du Canada.
  • Jeta Xharra : avocate kosovare-canadienne, journaliste, conférencière, directrice générale de l’association « Truth, Justice and Reconciliation ».
  • Azim Barodawala : scientifique irakien-canadien, expert en génie mécanique et thermique, professeur, auteur de plus de 150 articles scientifiques.
  • Kim Thúy écrivaine : écrivaine canadienne d’origine vietnamienne qui a reçu plusieurs prix, y compris le Prix littéraire du Gouverneur général en 2010.
  • Corneille : chanteur canado-rwandais connu pour ses chansons pop en français. Il a grandi au Canada après avoir fui le génocide rwandais.
  • Michaëlle Jean : ancienne réfugiée haïtienne-canadienne, née en 1957 à Port-au-Prince, Haïti. Elle a fui la dictature en Haïti en 1968 et a grandi à Montréal, Canada. Elle a été la 27ème gouverneure générale du Canada de 2005 à 2010 et élue secrétaire générale de la Francophonie en 2014.

Ces exemples montrent que les réfugiés peuvent non seulement apporter une contribution significative à la société canadienne, mais également réussir à un niveau élevé dans leur carrière et dans leur vie personnelle. À quel point ils peuvent faire une différence positive dans notre société grâce à leur talent et à leur détermination. Ils montrent également l’apport considérable des anciens réfugiés à notre société, et à quel point ils ont contribué à notre société.

Je voudrais souligner l’importance de la coopération internationale en matière de migration. La migration est un phénomène global qui nécessite une approche internationale pour garantir que les droits humains soient protégés et que les solutions durables soient trouvées. En travaillant avec d’autres pays, vous pouvez aider à faire face aux défis liés à la migration tout en respectant les droits humains et les obligations internationales.

De plus, je tiens à rappeler que certains migrants apportent une riche diversité culturelle au Canada et au Québec. Nous apportons nos traditions, nos croyances et nos coutumes, enrichissant la vie culturelle. En nous permettant de participer pleinement à la société, vous aiderez non seulement les migrants comme moi, mais vous renforcerez également la diversité et la tolérance de la société.

Parlant de Chemin Roxham…

Le Chemin Roxham est un point de passage connu pour les migrants illégaux entrant au Canada depuis les États-Unis. Je voulais vous dire qu’il n’y a pas de solution simple pour gérer les migrants illégaux, car fermer le chemin pourrait les amener à emprunter des chemins plus dangereux et ne pas passer les contrôles. Il est important de trouver une solution qui assure la sécurité des migrants et respecte les lois en matière d’immigration.

Il est également important de tenir compte des considérations humanitaires dans la gestion de la migration illégale. Beaucoup de migrants qui utilisent le Chemin Roxham fuient des situations dangereuses dans leur pays d’origine et cherchent à construire une vie meilleure pour eux-mêmes et leur famille. Il est donc nécessaire de trouver des solutions qui permettent aux migrants de faire valoir leurs droits de manière sûre et équitable, tout en respectant les lois en matière d’immigration.

De plus, la fermeture du Chemin Roxham pourrait également entraîner une augmentation de la criminalité liée à l’immigration illégale, avec des passeurs exploitant les migrants dans leur quête d’un passage sûr au Canada. Il est donc important de travailler avec les gouvernements des États-Unis et du Canada pour trouver des solutions qui permettent de gérer la migration de manière sûre et équitable pour toutes les parties concernées.

Il faut aborder les causes profondes de la migration, telles que les conflits, les inégalités économiques et les violations des droits de l’homme dans les pays d’origine des migrants. Cela implique de travailler avec les gouvernements et les organisations internationales pour renforcer la stabilité et la justice sociale dans les régions affectées par la migration. Je vous garantie que la fermeture du Chemin Roxham ne résoudra pas les problèmes liés à la migration illégale, et il est nécessaire de trouver une solution plus globale et équitable qui tienne compte des considérations humanitaires, des lois en matière d’immigration et des causes profondes de la migration.

Comprenez que les politiques internationales du Canada peuvent avoir un impact significatif sur la stabilité des pays d’origine des migrants et, par conséquent, sur la migration illégale. Puisque les politiques internationales du Canada peuvent également contribuer à la déstabilisation de certaines régions en soutenant des régimes autoritaires et en finançant des projets qui ne tiennent pas compte des intérêts locaux et des droits de l’homme. Je voudrais rappeler l’importance de la protection des droits humains.

Je tiens à souligner que nous pouvons apporter une contribution significative à votre économie. Nous travaillons dur pour subvenir à nos besoins et ceux de nos familles, et nous payons des impôts qui contribuent à la croissance économique du pays. En nous accueillant et en nous permettant de participer pleinement à la société, vous aiderez à renforcer l’économie et à créer de nouveaux emplois pour tout le monde.

Je reconnais que la migration illégale peut avoir un impact sur la stabilité du Canada et du Québec en augmentant la demande pour les services publics tels que la santé, l’éducation et le logement, et en créant des tensions avec les communautés locales. Cependant, il est important de se rappeler que les migrants peuvent également faire face à des défis linguistiques et culturels lors de leur intégration. En fournissant des programmes d’intégration, tels que des cours de langue et des mentors, nous pouvons aider les migrants à s’adapter à leur nouveau foyer et à établir des liens avec les communautés locales.

Enfin, je voudrais souligner l’importance de la protection des droits humains pour les migrants. Les migrants sont souvent confrontés à des abus, tels que la discrimination et la xénophobie, qui peuvent entraver leur capacité à participer pleinement à la société et à construire un avenir meilleur pour eux-mêmes et leur famille. En prenant des mesures pour prévenir et sanctionner ces abus, vous renforcerez la sécurité et la dignité des migrants et contribuerez à un monde plus juste et plus équitable.

Je vous demande instamment de considérer les contributions et les défis des migrants lors de la mise en œuvre de votre politique migratoire, et de prendre des mesures pour garantir que les migrants soient protégés et puissent participer pleinement à la société. Je vous demande de prendre en compte les considérations humanitaires, et de travailler avec d’autres pays pour trouver des solutions durables pour les migrants. Je suis convaincu que cela renforcera votre société et aidera les migrants à construire un avenir meilleur.

Permettez-moi de vous exprimer ma gratitude envers le Québec et ses citoyens pour l’opportunité que je reçois de vivre et de travailler dans ce pays. En tant que migrant d’origine haïtienne, je comprends les défis auxquels le Québec fait face en matière d’immigration.

Je suis conscient que la question de l’immigration peut susciter des préoccupations et des débats. Toutefois, je crois que nous pouvons aborder ce sujet avec une perspective équilibrée et juste. Je suis persuadé que nous pouvons trouver un équilibre qui tienne compte des intérêts de toutes les parties concernées, que ce soit les immigrants, les Québécois ou le gouvernement.

Je tiens également à remercier le Québec pour l’accueil chaleureux et l’aide qu’il a offerts à de nombreux immigrants comme moi. Je suis fier de faire partie de cette communauté et je suis convaincu que, en travaillant ensemble, nous pouvons construire un futur meilleur pour tous les habitants du Québec.

Merci pour votre attention et votre engagement envers les enjeux importants de notre temps.

Merci encore pour votre considération.

Merci pour votre attention.

Cordialement,

Thélyson Orélien*

Poète, économiste et entrepreneur

*PS: Canadien d’origine haïtienne. Thélyson Orélien est arrivé au Canada en tant qu’étudiant international, et non comme un migrant du chemin Roxham. Mais il se met dans la position d’un migrant haïtien ayant traversé la frontière canadienne par le chemin Roxham pour écrire cette lettre.

À lire aussi : Le Québec : un joyau culturel et naturel à célébrer – Port d’Attache – Port d’Attache (mondoblog.org)

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