L’art olympique de Paris 2024 : entre polémique et inclusion
Il est des événements mondiaux qui, tout en exaltant les idéaux de fraternité et de dépassement de soi, se trouvent paradoxalement au cœur de débats enflammés. La cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris 2024, par son audace artistique, a suscité une vive controverse, non pas tant pour sa grandeur et son éclat, mais pour une mise en scène jugée par certains comme blasphématoire.
Lors de cette cérémonie, une scène en particulier a éveillé les passions : une représentation perçue comme une version moderne et queer de la Cène. La scène, flamboyante et audacieuse, était, pour ses créateurs, une célébration artistique et non une provocation religieuse. Cependant, pour comprendre pourquoi de telles représentations artistiques suscitent des controverses, il est crucial de replacer cela dans un contexte historique et social plus large. L’histoire a montré que l’usage de symboles religieux dans l’art contemporain peut fréquemment provoquer des réactions passionnées, car ces symboles touchent profondément aux croyances et aux valeurs culturelles de nombreuses personnes.
L’art et la foi
D’emblée, il est essentiel de rappeler que ce spectacle relevait de l’art et non d’un acte de foi. La création artistique est une interprétation, une proposition qui invite à la réflexion et non une vérité imposée. En ce sens, comparer cette scène à la Cène de Léonard de Vinci ou même à celle, bien plus provocatrice, Yo Mama’s Last Supper de Renée Cox, relève du domaine subjectif. L’art, par sa nature même, est une affaire de goût et d’interprétation personnelle. Pour illustrer ce point, citons l’historienne de l’art, Caroline Janssen, qui souligne que : « l’art contemporain utilise souvent des références religieuses pour susciter la réflexion et le débat, non pour offenser délibérément ».
Pour ma part, je n’y ai vu ni outrage à Dieu, ni insulte à la foi chrétienne. Au contraire, cette mise en scène semblait plus proche de l’esprit révolutionnaire du Christ, qui accueillait tous les exclus et opprimés à sa table. Comme il est écrit dans la Bible :
« Lévi donna pour Jésus un grand festin dans sa maison. Il y avait une grande foule de publicains et d’autres gens qui étaient à table avec eux. Les pharisiens et leurs scribes murmuraient, disant à ses disciples : Pourquoi mangez-vous et buvez-vous avec les publicains et les gens de mauvaise vie ? Jésus, prenant la parole, leur dit : Ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin de médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler à la repentance des justes, mais des pécheurs. » Luc 5 :29-32
Le Christ, en accueillant les exclus, a toujours perturbé ceux qui ne peuvent comprendre l’amour sans limites de Dieu. Cette attitude se reflète dans l’œuvre artistique controversée de la cérémonie.
Relire les Écritures bibliques nous rappelle également que le Christ lui-même fut jugé pour blasphème, précisément parce qu’il défiait les normes religieuses de son époque. Comme le mentionne l’Évangile de Marc :
« Mais Jésus gardait le silence, et ne répondit rien. Le souverain sacrificateur l’interrogea de nouveau, et lui dit : Es-tu le Christ, le Fils du Dieu béni ? Jésus répondit : Je le suis. Et vous verrez le Fils de l’homme assis à la droite de la puissance de Dieu, et venant sur les nuées du ciel. Alors le souverain sacrificateur déchira ses vêtements, et dit : Qu’avons-nous encore besoin de témoins ? Vous avez entendu le blasphème. Que vous en semble ? Tous le condamnèrent comme méritant la mort. » Marc 14:61-64
Donc, cette mise en scène, loin d’être une offense, peut être vue comme une continuation de l’esprit inclusif et révolutionnaire du Christ, perturbant les normes établies et embrassant un amour inclusif inconditionnel et universel.
Clarifications de l’artiste
Thomas Jolly, le directeur artistique de la cérémonie, a fermement démenti s’être inspiré de la Cène pour illustrer cette interprétation controversée intitulée « Festivités ». Il a précisé que l’idée était de célébrer une grande fête païenne reliée aux dieux de l’Olympe, une scène inspirée par le tableau « Le Festin des dieux » du peintre néerlandais Jan van Bijlert. Jolly a souligné la connexion entre l’Olympe, le domaine mythologique des dieux grecs, et l’Olympisme, l’esprit des Jeux Olympiques modernes.
Pour comprendre cette référence, il est utile de rappeler que, durant la Réforme hollandaise du XVIIe siècle, les commandes pour des peintures religieuses traditionnelles étaient rares. Cela était dû aux changements religieux et sociaux induits par la Réforme protestante, qui a réduit la demande de telles œuvres dans les églises et les institutions religieuses. Ainsi, les artistes trouvaient des moyens ingénieux de dissimuler des scènes chrétiennes dans des contextes mythologiques, fusionnant le sacré et le profane de manière subtile.
Il convient de recentrer le débat sur l’essence même des Jeux Olympiques : une célébration de l’humanité dans toute sa diversité et sa richesse. La cérémonie d’ouverture devrait être le reflet de cette universalité, mettant en lumière les sportifs qui, par leur dévouement et leurs performances, incarnent les valeurs de dépassement de soi et d’excellence. Pourtant, ce soir-là, Paris fut la véritable vedette, une vitrine culturelle éclatante qui, à mon sens, a réussi à captiver l’attention mondiale.
Une cérémonie inclusive
Quant à la polémique sur la mise en scène de la Cène, je ne fus guère choqué. En fait, j’ai été ému par la diversité des athlètes, facilement identifiables sur leurs bateaux, défilant fièrement avec leurs drapeaux. Pour certains, ce spectacle inclusif pourrait être comparé à d’autres controverses artistiques passées, comme celle de la performance de l’artiste serbe Marina Abramović « Rhythm o » qui avait également suscité des débats sur les limites de l’art et de la foi. Ce moment de reconnaissance et de fierté nationale est un des points forts de toute cérémonie olympique. Certains auraient sans doute préféré une approche plus traditionnelle, avec un grand stade rempli d’athlètes, acclamés par un public en liesse. Cependant, cette cérémonie, malgré son cadre inhabituel, a su rassembler, en incluant également les athlètes paralympiques.
Une cérémonie d’ouverture inclusive, assistée par des enfants, adolescents, personnes âgées, personnes hétéro, personnes queer et représentants de tous les pays et ethnies différents, témoignait d’une humanité unie par le sport. C’est une célébration de la diversité et de l’inclusivité, un hommage à l’esprit olympique qui transcende les différences.
Bien entendu, chacun a le droit à son opinion artistique, mais il est impératif de rester lucide et modéré. Les menaces de mort et les appels au combat spirituel sont des réactions disproportionnées et inacceptables. Pour comprendre cette indignation, il est important d’explorer les arguments des opposants.
Beaucoup voient dans cette représentation une profanation de ce qu’ils considèrent comme sacré, ce qui révèle une profonde sensibilité religieuse. Cependant, il est tout aussi crucial de présenter des contre-arguments : la liberté artistique et la diversité d’interprétation sont des piliers essentiels de la culture contemporaine. La cérémonie, avec ses choix artistiques audacieux, nous rappelle que le dialogue et la tolérance doivent primer, même face à des œuvres qui bousculent nos perceptions et nos sensibilités.
« Dieu réunit ceux qui s’aiment »
La cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris 2024, avec ses choix artistiques audacieux et sa volonté de provoquer la réflexion, nous rappelle l’importance de la diversité culturelle et de l’inclusivité. La conclusion de cette cérémonie est, pour moi, des plus symboliques. La voix puissante de Céline Dion résonnant dans l’air, chantant « L’Hymne à l’amour » d’Édith Piaf, a apporté une touche finale émouvante et unificatrice. Cela nous rappelle que, malgré les divergences d’opinions, l’amour et la compréhension sont les véritables messages à retenir.
Ainsi, face à cette polémique, gardons en tête la beauté de l’art sous toutes ses formes et la nécessité de rester ouverts à des perspectives différentes. Car en fin de compte, c’est dans cette diversité que réside la véritable richesse de notre humanité. L’art, dans sa capacité à transcender les frontières et à défier les conventions, nous invite à voir le monde à travers des yeux nouveaux, à embrasser l’inconnu et à trouver la beauté dans la différence.
C’est en acceptant et en célébrant cette diversité que nous pouvons véritablement nous rapprocher les uns des autres, en découvrant que nos différences ne sont pas des obstacles, mais des ponts vers une compréhension plus profonde et un amour plus authentique. Comme l’a si bien chanté Céline Dion pour conclure cette cérémonie : « Dieu réunit ceux qui s’aiment. »
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