Haïti : « Le Roi Ariel », ou l’art de transformer un intérim en quasi-règne

Article : Haïti : « Le Roi Ariel », ou l’art de transformer un intérim en quasi-règne
Crédit: Voice of America I Wikimedia Commons
6 février 2024

Haïti : « Le Roi Ariel », ou l’art de transformer un intérim en quasi-règne

L’histoire d’Haïti, cette série tragique où chaque épisode semble plus rocambolesque que le précédent!

Entrez en scène, Ariel Henry, surnommé non sans une pointe d’ironie “Le Roi Ariel” (non pas pour sa noblesse, mais pour son penchant à régner sur un royaume de chaos). Imaginez un monarque sans couronne, chef d’une cour sans palais, régnant sur un royaume où le chaos est roi et la stabilité, une légende perdue.

La capitale, Port-au-Prince, autrefois un lieu de vie et de joie, est maintenant le décor d’un drame sans fin, où les gangs jouent les premiers rôles et les citoyens, les figurants malchanceux.

Les écoles, ces temples de savoir, ferment leurs portes, laissant derrière elles des rêves brisés et des futurs avortés. Les enfants, qui devraient apprendre les maths, l’histoire et les sciences… sont plutôt initiés à l’art de la survie dans un décor post-apocalyptique.

Notre protagoniste, Henry, s’est retrouvé Premier ministre comme par un tour de magie digne d’un roman de John le Carré. L’assassinat du président Jovenel Moise le 7 juillet 2021, entouré d’un brouillard de conspirations chuchotées, a posé le décor parfait pour un thriller politique. Ajoutez à cela les révélations sensationnelles de CNN et du New York Times sur l’implication présumée d’Henry dans ce crime, et vous avez tous les ingrédients d’un scénario où la réalité rivalise avec la fiction.

À la tête d’un gouvernement entaché de suspicions et d’incertitudes. Sa prise de pouvoir, légitimée par l’article 149 de la Constitution (un bout de papier qui semble avoir plus de rôles que notre premier acteur), était censée être un rôle temporaire. Mais, comme dans toute bonne série à suspense, le temporaire a pris des airs de permanent.

En cas de vacance de la Présidence de la République soit par démission, destitution, décès ou en cas d’incapacité physique ou mentale permanente dûment constatée, le Conseil des Ministres, sous la présidence du Premier Ministre, exerce le Pouvoir Exécutif jusqu’à l’élection d’un autre Président. Dans ce cas, le scrutin pour l’élection du nouveau Président de la République pour le temps qui reste à courir a lieu soixante (60) jours au moins et cent vingt (120) jours au plus après l’ouverture de la vacance, conformément à la Constitution et à la loi électorale.

Article 149, de la Constitution de 1987 amendé en 2011
Le CNN et New York Times, ont fait des révélations concernant l’implication présumée du Premier ministre Ariel Henry dans le crime perpétré contre le président Jovenel Moïse (sur la photo).

L’intérim en quasi-règne

Henry, dans son rôle de Premier ministre intérimaire, a transformé l’intérim en quasi-règne. On dirait presque qu’il réécrit le script à sa guise, improvisant au fil des jours, tandis que le pays attend en coulisses, un script plus stable et moins improvisé.

« Le Roi Ariel », propulsé au pouvoir dans un tourbillon de controverses dignes d’un film d’espionnage de série B, incarne parfaitement le rôle du dirigeant accidentel. Sa prise de pouvoir, plus temporaire qu’un tatouage au henné, est devenue un marathon sans fin, transformant le gouvernement intérimaire en une sorte de sitcom politique sans saison finale.

Sous son règne, les rues de Port-au-Prince, autrefois vivantes, sont devenues le décor d’une comédie noire où les gangs jouent les rôles principaux, et les citoyens, malgré eux, les spectateurs d’un drame continu.

Les gangs, telles des ombres, se sont invités dans ce théâtre de l’absurde, devenant des acteurs clés dans cette pièce politico-criminelle. Leur relation avec le gouvernement d’Henry, c’est un peu comme une série policière où l’on ne sait jamais vraiment qui est le bon et qui est le méchant.

Les gangs, devenus les véritables marionnettistes du pays, jouent une comédie macabre, où chaque rue devient une scène et chaque citoyen, un acteur involontaire. Pendant ce temps, « Le Roi Ariel » semble mener une danse étrange avec ces seigneurs de l’ombre, un ballet politique où chaque pas est un pas de trop.

Le Palais National Haïtien (Palais Présidentiel), situé à Port-au-Prince, Haïti, fortement endommagé après le tremblement de terre du 12 janvier 2010. Remarque: il s’agissait à l’origine d’une structure de deux étages; le deuxième étage s’est complètement effondré.

La voix du peuple

Mais dans ce théâtre de l’absurde, les Haïtiens, fatigués du spectacle, commencent à écrire leur propre scénario. Des manifestations éclatent, transformant le désespoir en colère, et la résignation en résistance. Cette effervescence populaire est comme un vent de changement, soufflant les nuages de l’oppression pour laisser place à un ciel d’opportunités.

La grande question reste en suspens : quelle sera la prochaine saison de cette série haïtienne? La réponse est aussi incertaine que le programme TV d’une chaîne en faillite. Cependant, une chose est sûre : le peuple haïtien, acteur principal de cette tragédie, est prêt à reprendre son rôle de protagoniste, et peut-être, juste peut-être, à transformer ce drame en une histoire d’espoir et de renaissance.

Le peuple, ce scénariste improvisé, semble déterminé à réécrire l’histoire, brisant les chaînes du silence et renversant les murs de la peur.

Mais attention, l’intrigue s’épaissit avec l’intervention de la communauté internationale. Soutien ou ingérence? Aide ou entrave? Le scénario international est aussi clair qu’un épisode de « Lost : Les Disparus ».

Pendant ce temps, l’économie haïtienne joue son propre rôle de tragédie, et l’éducation et la santé sont les victimes collatérales de cette crise interminable. Les politiques d’Henry, dans ces domaines, ressemblent à des tentatives de réanimation d’un patient en état critique.

Un quartier de Port-au-Prince. Utilisation gratuite sous la licence Pixabay Pas d’attribution requise

L’avenir d’Haïti en suspens

Pendant ce temps, le monde extérieur regarde, parfois avec empathie, parfois avec indifférence, souvent avec une incompréhension teintée de condescendance. L’aide internationale, semblable à un pansement sur une fracture ouverte, apporte un soulagement temporaire mais échoue à guérir les blessures profondes d’un pays en quête d’identité et de souveraineté.

Enfin, la Police Nationale d’Haïti, censée être la garante de la sécurité, semble suivre un script différent, incapable de maîtriser le chaos ambiant.

Cette série haïtienne, avec ses rebondissements, ses intrigues et ses personnages complexes, nous rappelle que la réalité dépasse souvent la fiction. C’est une histoire de résilience, de luttes, mais aussi d’espoir. Un espoir que le peuple haïtien, ce scénariste en herbe, pourra finalement écrire le dénouement qu’il mérite, loin des ombres de la tutelle et de la dépendance, et sous les projecteurs d’un avenir meilleur.

Alors que « Le Roi Ariel » continue de jouer son rôle dans cette série tragique, l’avenir d’Haïti reste suspendu à un fil, oscillant entre le désespoir et l’espoir, la résignation et la révolution. Un pays à la croisée des chemins, un peuple en quête d’un auteur pour écrire le prochain chapitre de son histoire. Une chose est sûre : le rideau n’est pas encore tombé sur Haïti.

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