Le Carnaval d’antan aux Gonaïves !

Article : Le Carnaval d’antan aux Gonaïves !
Crédit:
5 mars 2014

Le Carnaval d’antan aux Gonaïves !

C’est Gonaïves «la Cité de l’Indépendance» qui a organisé officiellement le carnaval national en Haïti,  les 2, 3 et 4 mars. J’imagine à quel point cette nouvelle a fait la joie des Gonaiviennes et Gonaïviens du pays et de la diaspora, y compris moi. Après les Cayes en 2012 et la ville du Cap-Haïtien en 2013, ce fut le tour de la troisième ville économique et première ville historique, d’accueillir les festivités carnavalesques de 2014.

En tant que Gonaïvien natif-natal, il me fait plaisir de faire ce petit texte, sans grande importance, pour partager avec vous de tout petites anecdotes de mon grand-père tirées de ses récits des Gonaïves d’autrefois… Jadis, le carnaval était une période de réjouissances et d’activités économiques pour les Gonaïves. De jour comme de nuit, les bandes traditionnelles telles que La Branche Aimable, La Reine Sainte Rose, Tana et Tato permettaient à toutes les couches de la société gonaïvienne de se défouler dans une ambiance frénétique et survoltée.

Le samedi soir, les maris plaquaient leurs épouses pour aller se marier à des femmes des quartiers populaires. Ces dernières, éclatantes de fraîcheur, étaient toujours aussi accueillantes au milieu de la foule des danseurs qui se pressait autour des musiciens de La Branche Aimable et de La Reine Sainte Rose. Le mariage n’était autre qu’une danse lascive qui était récompensée par un sandwich aux poissons bourrés d’une salade arrosée de sauce piquante, la salaise.

Les couturières, les marchandes de salaise, de pistache grillée, de fresko, de confiserie, de crème glacée, de griot et de manje-kwit ; les cireurs de chaussures, les artisans, les ébénistes et les charpentiers etc. tiraient tous des profits en cette période carnavalesque. À côté des groupes qui évoluaient les samedis et dimanches soirs, deux autres bandes, Tana et Tato, faisaient se trémousser les jeunes gens des deux sexes les après-midis.

Le blanc et le rouge identifiaient les partisans de la bande Tana. Le vert et le jaune étaient pour les admirateurs de la bande Tato. À l’approche des jours gras, ces groupes rivalisaient. Chaque groupe se distinguait par sa créativité, sa spontanéité à taquiner le groupe rival par des chansons parfois improvisées dénonçant les méfaits, les us et coutumes des gens de la ville.

Au point où une année, des responsables de Tana, avait laissé entendre qu’ils avaient fait le voyage de Port-au-Prince à Gonaïves en avion. Pour se vanter et montrer à la bande rivale que leurs responsables étaient des gens de grand « palto », de grand « chire ». La délégation de Tana, présidée par Solon Jean Baptiste, débarqua d’un petit avion sur le terrain de l’Aviation, qui n’existe plus aujourd’hui, au haut de la rue Clervaux, sous les applaudissements des membres et admirateurs vêtus de blanc et rouge. Nous sommes dans les années 50 ! Dans un concert de klaxons et sous les vivats de la foule massée sur tout le parcours, la délégation de Tana fit son entrée triomphale dans la ville.

Les badauds qui se comptaient par milliers dans ce brouhaha indescriptible et chantèrent à tue-tête: « Prezidan Solon kaka nan avyon » (Le président Solon chie dans l’avion). C’était peut-être une réplique ou une stratégie utilisée par la bande rivale Tato pour minimiser le spectacle éloquent présenté par le groupe carnavalesque Tana.

Le nom La Branche Aimable de Geffrard fût donné en l’honneur du président Fabre Geffrard, qui se mettait à l’abri comme opposant dans la localité dénommée Souvenance, nom donné à cette localité en souvenir de Geffrard, où se trouve l’ancien Temple de mon grand-père. Tout comme le Lycée Fabre-Nicolas-Geffrard.

Le nom Sainte Rose vient d’une grande Dame de Léogâne qui fut membre de l’État-major de la Branche Aimable et qui abandonna le groupe pour aller former un groupe rival. Elle lui a donné le nom Sainte Rose en l’honneur du Saint Patron de Léogâne : Saint Rose de Lima.

À côté des activités carnavalesques qui font des Gonaïves une ville accueillante par sa beauté captivante ; la beauté de ses femmes et leur don en art culinaire, dont la spécialité est du riz à lalo ; l’histoire nous apprend que de nombreuses familles du Sud, de l’Ouest et du Nord d’Haïti, venaient s’établir aux Gonaïves.

Partagez

Commentaires

websder corneille
Répondre

Un texte bien expliqué, à même après le carnaval. Il est sorti de beaucoup d'autres par rapport à ses nombreux élément provenant de l'histoire, de la sagesse des vieux et du constat d'un jeune. Énorme!!!

Gaudin
Répondre

Le temps de Tana, Tato, Aimable. Temps de ma jeunesse, où on était insouciente et délinquante. À l'insu de nos parents avec toute notre innocence et notre candeur on attendait le soir pour aller se déhancher dans les bandes et en mangeant des salaises piquantes. Nous étions un groupe de filles entourées de frères et d'amis pour nous protéger et on allait danser. Ce qui était plus agréable, c'était l'interdit. Nous disions "nap fè dezòd".
Qu'on était bien...
Bonjour à tous les amis.
Denise

eddy berg
Répondre

J`ai vécu une bonne partie de ce temps jusqu`en 1968. J`avais décidé de me rendre á Pétion-Ville aux fins de boucler ma fin d`études secondaires.